"Dubuffet et les magiciens": une exposition pour plonger dans l’art brut dans le Var

Tourner la page. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le monde de l’art, comme le reste de la société, ressentait le besoin de faire bouger les choses. Changer pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Jean Dubuffet se retrouvait ainsi à Paris avec d’autres artistes et intellectuels à vouloir tout réinventer après le chaos de la guerre. C’est là que l’art brut prend ses racines. Le musée du Niel, à Giens, accueille ainsi une cinquantaine d’œuvres de ce mouvement pour sa nouvelle exposition "Dubuffet et les magiciens".
"Autour de Dubuffet, le commissaire Antoine Villeneuve a réuni une vingtaine d’artistes de l’art brut, mais aussi du mouvement Cobra. Tous ces artistes se sont penchés sur ce qui n’intéressait personne: les rebuts et les invisibles de la société, qu’il s’agisse d’objets ou d’humains", détaille Florence Denis, directrice du musée du Niel. Dans ses pas, nous vous proposons une sélection de quatre artistes à (re) découvrir.
La période des Matériologies de DubuffetÀ tout seigneur, tout honneur. L’exposition commence par cinq œuvres de Jean Dubuffet (1901-1985), correspondant à autant de périodes différentes du maître de l’art brut. Avec un tableau, pas forcément le plus connu de l’artiste, mais qui sert d’élément central de l’exposition. "C’est une œuvre acquise l’an passé par le musée et intitulée Regard limpide. Elle est significative à bien des égards. C’est une période moins connue de Dubuffet: le cycle des Matériologies", présente Florence Denis, avant de rentrer dans le descriptif du tableau. "Ici, l’humain est au cœur de la réflexion. Les matériaux sont des feuilles récupérées, découpées et assemblées. On voit ce personnage exprimé comme un enfant, avec ses deux yeux ronds. On est ici à la recherche d’un renouveau de l’expression pour retrouver une forme d’innocence." Évidemment, le public pourra aussi plonger dans ses œuvres plus connues, notamment la célèbre série Hourloupe.
Baya et son univers oniriqueDans sa volonté de montrer la variété du renouveau artistique d’après-guerre, l’exposition plonge aussi dans le travail de l’artiste algérienne Baya (1931-1998). "Elle a un parcours singulier. Elle vient d’un milieu pauvre, loin de la culture. Mais depuis son enfance, elle n’a eu de cesse de travailler sur un monde onirique qui lui permettait justement de s’échapper de la dureté de la vie. Tout au long de son œuvre, on retrouve la femme en majesté, dans un monde idyllique, en lien avec la nature, la musique...", détaille Florence Denis. Une rencontre a fait basculer la vie de Baya. En 1947, alors qu’il est à Alger, Aimé Maeght découvre son travail. "Il décide de l’exposer à Paris alors qu’elle n’avait que 16 ans. Elle, qui n’avait jamais quitté son pays, se retrouve catapultée et suscite l’admiration du monde de l’art."
Aloïse, folie créativeAutre femme au parcours atypique: la Suissesse Aloïse (1886-1964). Très vite internée, elle trouve dans la peinture et le dessin un exutoire. Elle produit sur du papier, récupère des bouts de crayons, avant que sa production ne tombe dans l’oubli. Jusqu’au jour où une infirmière s’attarde sur son travail et alerte le monde de l’art. "La femme est très présente, en majesté, dans un monde idéalisé. Là encore, le regard est intéressant. Ici, les yeux n’ont pas de pupille. L’artiste ne se révèle ainsi pas totalement", analyse Florence Denis. Une partie de l’œuvre d’Aloïse n’est pas sans rappeler Klimt, avec des formes qui se mêlent au décor jusqu’à ne faire plus qu’un.
Michaux, au-delà des motsConnu comme écrivain et penseur, Henri Michaux s’est lui aussi tourné vers la peinture et l’art brut. Un exutoire pour lui. "Michaux se sentait mal dans sa famille, dans la société. Décalé, faible physiquement. Il trouvait la vie dans la peinture, notamment dans l’encre. C’est fluide et léger, pour lui, c’est la vie. Il a été très avant-gardiste. Passionné par la calligraphie et les idéogrammes, il a transformé cela en des formes imaginaires. De loin, on est dans l’abstraction, mais plus on y plonge, plus on y voit des choses", explique la directrice du musée. Un couloir a également été aménagé afin de présenter une série que l’artiste a réalisée sous mescaline (substance psychoactive). Cela pour "essayer de dépasser la raison, pour aller puiser des choses ailleurs". Cela donne de petits formats délicats, fragiles, créés de façon instinctive. De l’art brut.
Savoir+
Exposition Dubuffet et les magiciens au Musée du Niel à Giens. Ouvert de 11h à 19h, tous les jours sauf le mardi. Tarif 12 euros. Rens. www.museeduniel.com
Nice Matin